Implantation de corners Shein : le torchon brûle entre SGM et Galeries Lafayette

À l’automne 2025, la Société des Grands Magasins (SGM), gestionnaire du BHV Marais et exploitant franchisé de plusieurs Galeries Lafayette en province, a annoncé un partenariat inédit avec Shein. L’objectif : accueillir – pour la première fois au monde – des espaces de vente permanents pour le géant chinois de l’ultra fast-fashion, d’abord au BHV Marais à Paris dès novembre, puis dans cinq Galeries Lafayette régionales à Angers, Dijon, Grenoble, Limoges et Reims. Cet accord symbolise une étape majeure dans la stratégie de conquête physique du groupe Shein, jusqu’ici principalement digital.

Cependant, l’annonce crée la stupeur. Le groupe Galeries Lafayette, qui a cédé en 2022 la gestion de plusieurs magasins à SGM sous sa bannière mais conserve son contrôle de la marque, réagit fermement : il s’oppose publiquement à l’arrivée de Shein dans les points de vente affiliés, avançant des motifs de décalage de valeurs et de violation contractuelle.

 

De profonds enjeux d’image et d’affiliation dans un contexte de rejet de la fast-fashion

Galeries Lafayette défend un positionnement haut de gamme, attaché à une certaine éthique commerciale et à des exigences en matière de sélection des marques partenaires. Selon son communiqué, le choix de SGM va à l’encontre de « l’offre et des valeurs » du grand magasin français : la fast-fashion ultra-compétitive, incitée par Shein, est perçue par de nombreux acteurs français comme incompatible avec la tradition, la qualité et la responsabilité promues par l’enseigne.

Le groupe présidé par Nicolas Houzé invoque également la rupture d’engagements contractuels liant SGM à la maison-mère. Selon les Galeries Lafayette, le partenariat avec Shein violerait explicitement les termes contractuels d’affiliation. L’entreprise annonce donc son intention de s’opposer juridiquement à l’implantation des corners Shein en régions, refusant d’être associée à cette démarche très médiatisée.

SGM, par la voix de son président Frédéric Merlin, défend au contraire la légitimité de sa décision et affirme que le partenariat respecte le contrat initial. Il insiste sur la nécessité d’innover pour redynamiser les centres-villes et faire revenir la clientèle, même par des choix disruptifs et clivants comme celui-ci. Interrogé dans les médias sur cette actualité brûlante, le président de la société qui a racheté le BHV il y a deux ans s’est exprimé sur BFMTV : «C’est révolutionnaire, c’est un changement de modèle et je suis très fier que ce soit notre groupe qui l’incarne» s’enthousiasme celui qui sera donc le premier à accueillir Shein au sein du Bazar de l’Hôtel de Ville parisien.


Les réactions du secteur et les pressions politiques

L’annonce du partenariat provoque une levée de boucliers rapide parmi les acteurs de la mode française et les élus locaux. La Fédération nationale de l’habillement condamne ouvertement cette opération, dénonçant l’installation d’un pure player chinois dont le modèle économique est régulièrement pointé du doigt pour son impact social et environnemental.
À Paris, la mairie demande à SGM de reconsidérer sa position, rappelant que le BHV représente un symbole du commerce parisien traditionnel, mis en danger selon elle par un rapprochement avec l’ultra fast-fashion. Les critiques soulignent la contradiction d’associer l’image patrimoniale de BHV Marais ou de Galeries Lafayette à une multinationale souvent critiquée pour l’opacité de ses filières et sa stratégie de prix cassés.

Enfin, sur le plan politique, la question prend une ampleur nationale alors qu’un projet de loi visant à réguler la fast-fashion gagne du terrain en France, laissant planer la menace de futures restrictions pour Shein.


Un divorce annoncé ? Quel avenir pour les magasins concernés ?

À ce jour, la confrontation reste vive et l’issue incertaine. Galeries Lafayette campe sur sa mise en garde : Shein ne sera pas autorisé dans les points de vente sous son enseigne exploités par SGM. La direction de SGM maintient sa démarche, plaidant l’innovation, la vitalité commerciale et même la création de 200 emplois directs et indirects pour défendre le projet.

Ce bras de fer ouvre des questions de fond sur la gouvernance des réseaux de franchises et la cohérence entre valeur patrimoniale et pragmatisme économique face à l’évolution du secteur. Derrière le duel, on retrouve aussi l’enjeu central de souveraineté de la mode française, entre traditions du savoir-faire et pressions de la mondialisation digitale supersonique.

La saga Shein, SGM et Galeries Lafayette s’impose comme un révélateur des tensions qui traversent actuellement le commerce français. Plus qu’un simple débat commercial, l’affaire questionne la mutation — voire la rupture — des repères historiques du secteur, poussant chaque acteur à clarifier son identité, ses limites et son ambition face à une nouvelle donne mondiale

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